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Orano franchit une nouvelle étape stratégique. Le champion français du combustible nucléaire a inauguré avec le Commissariat à l’énergie atomique (CEA) une installation pilote dédiée aux aimants permanents dans les locaux grenoblois du CEA. Cette ligne peut produire 4 tonnes d’aimants par an avec 25% de matière recyclée. Elle se concentre sur les aimants néodyme-fer-bore (NdFeB), les plus performants du marché, qui contiennent quatre terres rares stratégiques : néodyme, praséodyme, dysprosium et terbium.

L’enjeu dépasse largement la prouesse technique : ces aimants permanents équipent tous les moteurs de véhicules électriques et les turbines d’éoliennes offshore, alors que la Chine contrôle 90% de leur production mondiale. Depuis qu’elle a restreint ses exportations en avril dernier, l’Europe doit impérativement reconstruire une filière complète pour garantir sa souveraineté industrielle.

Du nucléaire aux terres rares : un transfert de compétences

Orano s’appuie sur plus de trente ans d’expérience acquise à l’usine Melox (Gard), qui fabrique des combustibles nucléaires recyclés à partir d’oxydes d’uranium et de plutonium. Si les procédés de métallurgie des poudres mis en œuvre à Melox présentent de nombreuses similitudes avec ceux utilisés pour la fabrication d’aimants permanents, les équipes ont dû acquérir de nouvelles compétences, notamment dans les techniques propres au magnétisme et au traitement des terres rares. Chaque étape du procédé exige une expertise spécifique : élaboration de l’alliage, réduction en poudre, mise en forme sous champ magnétique, puis frittage à haute température.

Après une première phase d’apprentissage sur des équipements d’origine chinoise, les équipes ont adapté ces machines aux standards européens, tout en développant de nouvelles expertises : confinement des matières, gestion d’atmosphères contrôlées, pilotage de processus thermiques ultra-précis.

Transmettre pour industrialiser

Orano souhaite valider d’ici fin 2026 un référentiel de procédés afin de faciliter la transmission de son savoir-faire à d’autres acteurs industriels. Cette démarche s’inscrit dans un contexte de forte croissance du marché des terres rares pour aimants, qui devrait être multiplié par cinq d’ici 2040 : chaque voiture électrique nécessite 1 à 2 kilos de ces matériaux, tandis qu’une éolienne offshore en requiert plus d’une tonne. La reconstruction d’une filière européenne suppose non seulement des investissements considérables, mais également un effort soutenu de formation et de transfert de compétences.

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